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ÉVOLUTION DE LA GRAND-PARENTALITÉ

AU XVIII° ET AU XIX° SIÈCLES

EN FRANCE

Tout est modifié dans les relations intergénérationnelles selon que jeunes et vieux vivent constamment aux côtés les uns des autres ou ne se voient qu’épisodiquement. La sociabilité de l’enfant et les modalités éducatives sont différentes :

-         cohabitation dans le même foyer : il est question de pouvoir entre les parents et les grands-parents ;

-         proximité (même village ou quartier, voire même immeuble ou deux maisons voisines) ;

-         éloignement significatif.

On trouve différentes formes familiales selon les époques, les lieux et les classes sociales :

     Au XVIIIème siècle, la famille nucléaire constitue l’idéal familial dans le Bassin Parisien et la Bretagne alors que les familles souches (plusieurs familles nucléaires) dominent dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et l’Alsace. À la campagne, la cohabitation grands-parents / petits-enfants est plus généralisée que dans les villes.

      Au XIXème siècle, ces différences se maintiennent entre la moitié nord de la France et la moitié sud à laquelle on ajoute l’Alsace. 

     La cohabitation des membres des familles ouvrières va progresser, elle est subie à cause des conditions de vie (même pot).

     -  Chez les bourgeois, c’est plutôt le voisinage qui domine.

     Chez les nobles, la situation évolue au cours des deux siècles : au XVIIIème siècle, c’est la double résidence : un château à la campagne, un hôtel en ville. Dans le courant du XIXème siècle, la génération des grands-parents va se retirer au château où viendront les parents et les petits-enfants pendant les fêtes et les vacances.

Donc, aux XVIIIème et XIXème siècles, les petits-enfants avaient de réelles chances de rencontrer leurs grands-parents quels que soient le milieu social et la région d’origine

 L’arrivée du terme « grands-parents » dans le vocabulaire

Au XVIIème siècle, c’était une vision lignagère qui dominait et qui a laissé la place à une conception plus affective ou relationnelle au XVIIIème.

Le vocabulaire lui-même a changé : en 1680 il était question d’aïeul(e), en 1798 on parle de « grand-père et grand-mère » et en 1877 ces deux termes sont inscrits dans le Dictionnaire de la Langue Française de Littré.

Cette évolution marque l’émergence d’une spécificité grand-parentale au sein de la chaîne des générations successives de la lignée, c’est-à-dire la reconnaissance progressive d’un positionnement différent entre les ancêtres et les parents de l’enfant.

En 1935, la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie Française parachève le mouvement de resserrement et montre la marginalisation progressive des collatéraux dans l’organisation symbolique de la famille.

Les articles vont s’enrichir d’exemples littéraires qui mettent en valeur la poésie familiale de la complicité entre grands-parents et petits-enfants, en particulier (L’Art d’être Grand-Père de Victor Hugo en 1877.)

L’analyse des titres d’œuvres publiées confirme la progression des termes grand-père et grand-mère.

 

  1700-1799 1800-1849 1850-1899
Grand-père 1 10 62
Grand-mère 2 18 98
Aïeul 2 5 11
Aïeule 1 2 19
  6 35 190

 

Tableau présentant le nombre d'ouvrages parus entre 1700 et 1899 et dont le titre contenait l'un des 4 termes.

Source : Catalogue général des imprimés de la BNF.

Dans de nombreux ouvrages, un grand-parent s’adresse à ses petits-enfants pour donner des conseils, évoquer des souvenirs personnels.

Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, un nouveau modèle de la grand-parentalité va être fondé grâce à la laïcisation des valeurs et à la recherche critique d’une nouvelle idée de la paternité. Diderot et Greuze sont les deux grands promoteurs de la thématique grand-parentale exprimée par la piété filiale et l’harmonie entre générations, dans la famille comme dans la société. 

En 1758, Diderot publie « Le père de famille » qui montre qu’un bon père veut le bonheur de son enfant, puis qu’il deviendra un bon et tendre grand-père gagnant en affection ce qu’il perd en pouvoir.

 

En 1891, la Bibliothèque des petits-enfants de 4 à 8 ans de la maison Hachette, compte 38 livres dont 4 ont un titre évoquant les

grands-parents. Une place plus importante est accordée aux grands-mères parce que les femmes sont plus près de l’éducation des

enfants ; de plus, à cause de son autorité, c’est la figure du père qui domine la sphère masculine, le grand-père pouvant apparaître comme un concurrent.

 

L’image des grands-parents au XIXème siècle

Avec l’Empire puis la Restauration, la politique a besoin de se consolider sur un principe d’autorité fort. C’est ainsi que la figure du père retrouve l’aura qu’elle détenait sous la Monarchie Absolue. Le Code Napoléon va donner au chef de famille un pouvoir incontesté traduisant le nouvel ordre social.

Le type du grand-parent « gâteau » et indulgent va se confirmer comme le laisse entrevoir les pièces de théâtre de l’époque. Une bonne vieillesse ne peut se dérouler que dans le cercle de famille, entourée de la reconnaissance, de l’affection et des soins du conjoint ou des enfants. La grand-parentalité apparaît comme la récompense du vieillard.

Au cours du XIXème siècle, l’affection entre grands-parents et petits-enfants fait l’objet d’un discours presque unanime de valorisation. Les œuvres littéraires font état de cette relation entre ces deux générations : les petits-enfants manifestent du respect et de l’affection envers leurs grands-parents qui le leur rendent bien. On en trouve un exemple dans les « Contes d’une Grand-Mère » de Georges Sand, parus en 1872, ou dans les ouvrages de la Comtesse de Ségur et dans le roman « En famille » d’Hector Malot.

Les grands-parents y sont des conseillers-confidents qui n’ont pas vocation à punir mais plutôt à consoler sans remettre en cause l’autorité parentale.

Dans le poème le plus célèbre de « L’Art d’être Grand-Père » de Victor Hugo, l’aïeul apporte en cachette un pot de confiture à Jeanne condamnée « au pain sec dans le cabinet noir ».

Les grands-parents orientent les sanctions dans le sens d’une intériorisation de la norme en condamnant les châtiments corporels, en imposant raison avec douceur.

L’unité familiale déchirée par les tensions de la parentalité est recousue par l’affection grand-parentale. C’est ainsi que les grands-parents incarnent l’unité et l’harmonie rêvée de la famille, son désir de perpétuation et le bonheur d’être ensemble.

 

En conclusion, nous retiendrons qu’en France, au cours des XVIIIème et XIXème siècles, une évolution du rapport à la vieillesse et à l’autorité a transformé l’histoire de la grand-parentalité. Les aînés ont obtenu une place valorisée à partir du moment où ils ont consenti à s’investir dans une relation affective avec les membres de la famille. C’est « l’idéal de l’aïeul qui a changé au cours des trois derniers siècles » grâce aux évolutions des conditions de vie.