LA FILIATION DANS DIFFÉRENTES CULTURES Elle détermine : - de qui on acquiert son identité et son statut ; - de qui on hérite ; - son appartenance. C’est un lien idéologique parce qu’elle peut ne pas correspondre avec la consanguinité mais avec la fonction nourricière comme chez les aborigènes d’Australie. On
distingue quatre types de filiation
1. uni-linéaire : l’appartenance à un groupe de parenté n’est définie que par un seul parent : - patri-linéaire (agnatique) chez les Indiens d’Omaha, les Nuer du Soudan : la filiation se transmet de père en fils (la fille appartiendra à son futur mari) ; - matri-linéaire (utérine) : de mère en fille (chez les Trobriandais, les Iroquois, les Hurons.)
2. bi-linéaire : comme chez les Ashanti au Ghana : - l’esprit passe par les hommes ; - le sang passe par les femmes. L’héritage de l’immobilier vient du côté paternel, celui du mobilier du côté maternel.
3. alternée : comme chez les chasseurs de têtes ;
4. indifférenciée (chez les peuples d’Amazonie, dans les régimes juridiques d’Europe occidentale) ; - l’enfant appartient aux deux groupes de parentés ; - les deux parents ont les mêmes droits sur l’enfant ; - l’enfant reconnaît ses quatre grands-parents. Cas
particuliers
1.
la parenté à plaisanteries C’est une relation qui autorise – voire oblige – à se moquer d’un parent précis. C’est un jeu social. Cette relation est normalisée, symétrique ou non. - chez les Hopi, c’est le grand-père qui a le droit de plaisanter ses petits-enfants. Ceux-ci ne répondent que lorsqu’ils sont grands et mariés (asymétrie temporelle). - chez les Wodaabé (Peuls nomades) le petit-fils répond à son grand-père (symétrie) : on se lance des pierres, on parle de sexualité. - chez les Béti (Cameroun), société patrilinéaire, les plaisanteries ont lieu entre l’oncle maternel et son neveu utérin. Si un parent « à plaisanteries » ne plaisante pas, il y a offense : le code comportemental n’est pas respecté. 2.
l’adoption En Occident, au XIXème siècle, elle a lieu « faute de mieux » parce qu’on est stérile, parce que des enfants sont orphelins.
Par comparaison, dans les sociétés paysannes d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, l’adoption est une pratique courante qui relève de transferts volontaires d’enfants entre parents proches. Les parentés par le sang et par adoption coexistent. L’idée que l’on ne puisse avoir qu’une seule mère et qu’un seul père n’est pas une évidence de filiation dans ces sociétés.
Se pose à nous la question de la désinstitutionnalisation de la filiation devant les transformations modernes : - développement de la filiation naturelle ; - fréquence des divorces ; - recompositions familiales ; - développement des pratiques médicales de substitution.
L’enfant du XXIème siècle va-t-il être celui d’un seul père et d’une seule mère ? La filiation est-elle uniquement un lien physiologique ou est-elle aussi un ensemble de relations voire un lien électif ?
Les solutions apportées par Françoise Héritier en 1985 et allant dans ces directions nouvelles ne peuvent fonctionner que « si elles sont soutenues par la loi du groupe, inscrites dans la structure sociale et correspondent à l’imaginaire collectif et aux représentations de la personne et de l’identité. »
Les
grands-parents dans l’univers des cultures
Par
son insistance sur le biologique, le système européen apparaît
singulier dans l’univers des cultures. Sur les autres continents,
la place grand-parentale est repositionnée dans le système de
circulation des enfants où dons et adoptions articulent la parenté
par le social à la parenté par le sang. En
Occident
1. En Allemagne, les structures d’accueil des petits-enfants sont peu nombreuses, aussi les grands-parents assurent-ils leur garde de façon importante. 2. En Grande-Bretagne, les aides sont souvent financières mais les grands-mères sont quand même 44% à garder leurs petits-enfants. 3. Dans les pays méditerranéens, les grands-parents sont engagés dans la garde des petits-enfants dans tous les milieux sociaux ; les grands-mères sont de véritables substituts de mères, elles sont mères à nouveau, surtout pour les enfants de leurs filles. 4. En Russie, prendre sa retraite pour les femmes, c’est souvent pour s’occuper des petits-enfants ; les « babuscka » sont les maîtresses du jeu des réseaux de parenté. 5. Aux états-Unis, les grands-parents n’apportent que des aides épisodiques ; distance et réserve entre générations sont plus importantes qu’en Europe. 6.
En France , les grands-mères estiment que leur rôle
consiste à partager les joies et les peines, à être une
confidente pour leurs petits-enfants. Les grands-parents privilégient
la transmission des valeurs traditionnelles et familiales. Hors
Occident
C’est
la circulation des enfants qui est significative. 1. En Afrique, les grands-parents ont un rôle et un statut valorisés. Cette importance a des motifs religieux, elle est liée au culte des ancêtres. Les valeurs sociale et personnelle se mesurent au nombre de descendants, même dans les sociétés où les femmes sont minorées. Les
enfants circulent au sein de la lignée. Les fonctions de géniteur
et de tuteur sont différenciées. On note le don d’enfant à la génération
précédente dans l’Ouest africain (la fille doit une fille à sa
mère pour l’aider dans sa vieillesse). Les enfants sont des biens
d’échange. 2.
En Océanie, ce
sont les adoptions qui sont massives. Il existe deux sortes de
parentés, celle par le sang et celle par la nourriture. 3. En Guadeloupe, on est à la croisée des modèles, la famille est souvent matri focale : grand-mère maternelle + mère seule + enfant. |